Débat mouvant

Débat mouvant

Le débat mouvant, c’est un grand classique de l’éducation populaire.

Le principe

Il faut réunir une dizaine de personnes, leur proposer une affirmation clivante et leur demander se répartir dans l’espace en deux groupes : “d’accord” et “pas d’accord”. Pas le droit de se placer au milieu, dans ce jeu il faut choisir son camp !

Le choix des affirmations est crucial : il faut s’assurer que l’affirmation fait débat et n’accepte aucune résolution définitive et absolue (quelques exemples ci-dessous). Les termes doivent autoriser différentes interprétations.

Chaque camp a alors 5 minutes de discussion collective pour développer des arguments, communs à tout le groupe ou non.

L’animateur·ice annonce le début du débat, et distribue la parole entre les deux côtés, de sorte à ce que tout le monde puisse s’exprimer et que personne ne monopolise la parole. On peut s’aider d’un bâton de parole.

Et comme le débat est MOUVANT, il faut bien faire comprendre que notre placement en groupe est voué à évoluer. A chaque argument énoncé, chaque personne est libre de rejoindre le camp d’en face pour manifester son accord avec l’argument, ou au contraire de quitter son propre camp si un argument énoncé ne lui plaît pas. Il s’agit seulement de reconnaître qu’un argument est valide, ou nous a affecté, pas forcément de changer d’avis définitivement sur le fond du sujet.

Le rôle de l’animateur·ice est ici très important, c’est ellui qui s’assure que l’échange sera fructueux pour tout le monde, et qu’on ne reproduira pas une caricature d’un débat de plateau télé entre deux figures incarnant des extrêmes irréconciliables.

Le but n’est pas de trancher le débat et de trouver un vainqueur, mais de décortiquer l’affirmation et d’entendre tous les points de vue dans les meilleures conditions possibles de discussion. Les personnes qui changent de camp ne sont pas des “points”.

Vous avez dit scepticisme ?

Le débat mouvant est déjà en soi un exercice d’esprit critique et d’honnêteté intellectuelle. Il permet de faire émerger un maximum de points de vue sur un sujet et de les faire entendre dans de bonnes conditions (ce qui ne leur laisse pas le champ libre : les conditions sont aussi réunies pour les réfuter). Il met aussi en place les conditions idéales pour manifester son accord avec des arguments du “camp d’en face” sans avoir peur de passer pour un faible d’esprit.

Il est possible d’aller plus loin avec de légères variantes.

L’entonnoir : Faire une série de 3 ou 4 débats, en précisant à chaque fois l’affirmation de départ. Néanmoins, les affirmations doivent rester suffisamment flous, et leurs termes suffisamment interprétables.

Par exemple, nous avons animé une débat mouvant sur le thème du “pouvoir”. La première affirmation était “Il faut déléguer le pouvoir”, suivie de “Il faut déléguer le pouvoir aux experts”, et enfin “A propos de science, il faut déléguer le pouvoir aux scientifiques”. Voyez comme chaque mot de ces affirmations peuvent être compris différemment.

La révélation des présupposés : L’idée ici est de montrer à quel point, dans toute discussion ou débat, se mettre d’accord sur le sens qu’on donne aux mots est au moins aussi important qu’argumenter notre point de vue.

A la fin du débat, si l’animateur·ice a été attentif·ve aux arguments avancés, iel peut demander aux participant·es de se répartir selon un deuxième axe spatial, et ainsi diviser l’espace en quatre places. Le premier axe est celui de départ (“d’accord” et “pas d’accord”), tandis que le deuxième axe aura émergé de l’interprétation de l’affirmation par certaines personnes.

Par exemple, si l’affirmation contient “Il faut faire X”, certaines personnes donneront des arguments de la forme “On peut faire X”. A la fin, on peut donc demander aux participant·es de se répartir dans les quatre espaces “Il faut faire X, mais on ne peut pas” ; “Il faut faire X, et on le peut” ; “Il ne faut pas faire X, mais on le peut” ; “Il ne faut pas faire X, et de toute façon ne le peut pas“.

Cette variante rend bien compte du fait que tout le monde a une interprétation différente des mêmes affirmations, et que ne pas expliciter ces interprétations peut mener à des incompréhensions mutuelles.

Quelques exemples d’affirmations clivantes

TOUS les thèmes peuvent être traités par le débat mouvant. Veillez cependant à ce que n’importe qui puisse trouver des choses à dire sur le sujet. Les gens ne sont pas stupides ni ignorants, mais si vous lancez une affirmation qui nécessite dix ans d’études en physique nucléaire ou en philosophie de la connaissance pour être comprise, attendez-vous à des silences gênants.

– Le travail c’est la santé

– Le handicap est un problème

– Pour agir, il faut connaître

– Il faut douter de tout

– La science est politique

– Il faut prouver ce qu’on dit

– On a besoin des chefs

– La liberté, c’est le pouvoir

– On a besoin de croire

– Nous sommes responsables

Un guide illustré et quelques ressources

Nous ne sommes pas les premiers à utiliser cet atelier pour créer du débat et de la réflexion. D’autres associations, telle l’Université Populaire de Bordeaux en ont une grande expérience. D’autres sites sont de formidables sources pour en apprendre davantage sur l’éducation populaire, dont les objectifs émancipatoires rejoignent les nôtres.

Voici un guide illustré qui résume les principes du débat mouvant et ses mécaniques, publié par l’Université Populaire de Bordeaux dans un livre qui sort tout bientôt.

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